
À partir des années 1950, partitions graphiques, instructions et autres modes d’emploi se propagent dans les pratiques artistiques, mettant en crise l’écriture solfégique dans les musiques expérimentales, inventoriant les gestes du quotidien dans la danse postmoderne, ou accompagnant le linguistic turn dans les arts visuels. La forme du protocole participe par ailleurs des liens entre performance et mouvements politiques, à l’instar de la place qu’elle occupe dans les actions directes d’Act Up à la fin des années 1980. En tant qu’objet transversal à nombre de pratiques, la partition et ses formes afférentes du protocole et du script peuvent apparaître rétrospectivement comme le médium paradigmatique du décloisonnement des disciplines et de l’effrangement des arts, compris comme préalables à un renouement des liens entre l’art et la vie.
Depuis la fin des années 1990, ce phénomène influence une transformation des pratiques institutionnelles dans le champ de l’art contemporain : les musées, les collections et les différents fonds acquièrent des œuvres protocolaires et se dotent de moyens pour les conserver. Les institutions se voient poussées à concevoir des méthodes de conservation appropriées pour ces œuvres, dont la pérennité réside dans la possibilité d’être réactivées.
Le colloque Désactiver les protocoles souhaite problématiser les rapports que l’activation d’une œuvre inaugure dans l’expérience esthétique et les processus de création, en particulier au regard de l’interprétation et de l’appropriation individuelle et collective susceptibles d’y poindre. Il s’intéresse aux possibles et aux promesses de ces objets, dans l’exploration et la remise en cause de logiques culturelles, économiques et comportementales normatives. Depuis l’ambition inclusive des musiques expérimentales post-cagiennes, jusqu’aux usages militants du protocole, il s’agit d’étudier et d’expérimenter les potentialités critiques des protocoles d’artistes concernant les processus de subjectivation à l’œuvre dans la médiation d’une action, le statut de l’auctorialité dans les pratiques artistiques collaboratives, ou encore les ressorts de l’action collective.
Ces deux journées seront plus spécifiquement l’occasion d’interroger les rapports que les œuvres dites à protocoles entretiennent avec le concept d’action, qu’elle soit individuelle ou collective. Si une partition ou un protocole d’artiste semble impliquer une activation pour se réaliser, quelle problématisation de l’agir et de la mise en œuvre elle-même est-il susceptible de proposer ? Et plus largement, en quoi cette activation peut-elle renouveler nos rapports quotidiens au faire et au geste ? Pour autant, ces propositions artistiques sont elles-mêmes prises dans des opérations, symboliques, institutionnelles, économiques et politiques, qui les contraignent et complexifient leur puissance d’agir. Il s’agira ici de considérer le potentiel de désactivation des protocoles d’artistes, mais aussi, en retour, la fragilité de la forme protocolaire et son propre risque de désactivation.
Intervenant-es : Franck Apertet, Pierre Bal-Blanc, Béatrice Balcou, Clélia Barbut, Philippe Bettinelli, nadjim bigou-fathi, Pauline Chevalier, Jean-Baptiste Farkas, Barbara Formis, Émeline Jaret, Béatrice Josse, Simon Labbé, soto labor, Sophie Lapalu, franck leibovici, Sara Martinetti, Anna Millers, Juliette Pollet, Achim Reichert, Matthieu Saladin, Fabien Vallos, Christophe Viart, Camille Videcoq
mercredi, 21 mai 2025
Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg
1 Pl. Hans-Jean-Arp, 67000 Strasbourg
10h – Accueil
10h30-12h00 – Visite de l’exposition Mode d’emploi par Philippe Bettinelli et Anna Millers
13h30 – Franck Apertet, Clélia Barbut, Matthieu Saladin, Introduction du colloque
14h00 – Panel 1 : l’écriture des protocoles Modération : Simon Labbé
14h-14h45 – franck leibovici, la vie ordinaire des œuvres à protocoles
14h45-15h30 – Sara Martinetti, Réinventer la Biennale de Paris de 1971 par un protocole, la proposition de cinq critiques
15h30-16h15 – Pauline Chevalier, Notations, partitions, brouillons, protocoles :
formes de l’intention et opérabilité critique du document
16h15-17h – Camille Videcoq, La revue Phylactère, pratiques d’une méthodologie queer
Atrium de l’université de Strasbourg 16 Rue René Descartes, 67000 Strasbourg
18h – Pierre Bal-Blanc, Open Reel, séance de projection
Syndicat Potentiel au fond de la cour, 109 Av. de Colmar, 67100 Strasbourg
20h30 – Sumposion, performance de Fabien Vallos (sur réservation)
Jeudi, 22 mai 2025
Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg 1 Pl. Hans-Jean-Arp, 67000 Strasbourg
9h – Panel 2 : les protocoles d’artistes et la désactivation des habitus
Modération : Christophe Viart
9h-9h45 : Sophie Lapalu, Get Down and Party together : les “Funk Lessons” d’Adrian Piper
9h45-10h30 : Barbara Formis, Les protocoles gestuels comme laboratoire de désidentification :
les cas de Écosphère et Corpus vivant
10h30-11h15 : les gens d’Uterpan (Franck Apertet), Mode d’emploi
11h15-12h00 : Jean-Baptiste Farkas, Fouetter le protocole
13h15 – Panel 3 : protocoles et pratiques institutionnelles
Modération : Clélia Barbut
13h15-14h – Béatrice Balcou, Cérémonies sans titre
14h-14h45 – Émeline Jaret, Travail et service artistique :
le protocole comme outil d’une critique institutionnelle depuis 1987
15h 16h45 – Table-ronde, Protocoles et pratiques institutionnelles
Avec Philippe Bettinelli, Béatrice Josse, Anna Millers, Juliette Pollet.
17h –Frsh (recherche d’un objet dans une poche), performance de nadjim bigou fathi & soto labor
Franck Apertet (AIAC, université Paris 8), Clélia Barbut (AIAC, université Paris 8), Philippe Bettinelli (MNAM), Barbara Formis (Institut ACTE, université Paris 1), Simon Labbé (Institut ACTE, université Paris 1), Anna Millers (MUCEM) Matthieu Saladin (Institut ACTE, université Paris 1), Christophe Viart (Institut ACTE, université Paris 1).